La vente à réméré, appelée également « vente avec faculté de rachat » fait sans doute partie des actes de vente les moins connus en France. Le terme « réméré » vient du latin « redimere » qui signifie « racheter ». Son fonctionnement résulte de l’article 1659 et suivants du Code Civil, qui stipule que « la faculté de rachat ou de réméré est un pacte par lequel le vendeur se réserve de reprendre la chose vendue, moyennant la restitution du prix principal et le remboursement de frais. »
Le réméré trouverait ses origines au moyen-âge. Les textes encore en vigueur actuellement dans le Code Civil sont d’ailleurs anciens et datent du début du XIX° siècle. Dans les années 1980, le réméré a été utilisé fréquemment par les banques pour refinancer des valeurs mobilières, notamment auprès d’OPCVM monétaires. On le retrouve aussi dans la pratique des affaires.
Aujourd’hui, le réméré est le plus souvent utilisé comme un outil permettant de restructurer les dettes des particuliers, dans certaines situations. Il est quelquefois présenté comme une alternative au rachat de crédit par les sociétés privées intervenant dans ce secteur.
Cette forme de vente à réméré s’adresse plus particulièrement à des personnes propriétaires (ou propriétaire-accédant) de leur bien immobilier, en situation d’endettement ou ayant des difficultés importantes de trésorerie, qu’elles ne peuvent pas résoudre en contractant un crédit bancaire classique, parce qu’elles sont fichées en Banque de France.
Le réméré est une solution pour permettre aux personnes en difficulté d’éviter une saisie judiciaire de leur bien et sa vente aux enchères.
Le principe du réméré
Le réméré est un contrat de vente, établit devant Notaire, qui va garantir au vendeur la possibilité de racheter son bien ultérieurement. Le vendeur pourra continuer à occuper le bien et devra, dans ce cas, conclure un contrat d’occupation des lieux avec l’acquéreur et lui payer des indemnités d’occupation. Dans un contrat de réméré, on ne parlera pas de bail ni de loyer, mais plus précisément de contrat d’occupation des lieux (ou de convention d’occupation précaire) et d’indemnités d’occupation.
La vente à réméré comporte trois phases :
- recherche d’un investisseur et vente à cet investisseur du bien,
- occupation du bien et apurement de la situation financière,
- rachat effectif du bien.
S’il est mené à bien, le réméré aura permis à un débiteur de protéger son patrimoine et son niveau de vie, tout en restant discret, vis-à-vis de ses proches et de son voisinage, sur sa situation personnelle et cette procédure.
Préparer la vente à réméré
Le débiteur peut organiser lui-même une vente à réméré en faisant appel à son notaire et à un investisseur. Il peut aussi utiliser les services d’une société spécialisée dans ce type de procédure.
La société évaluera d’abord la situation financière du débiteur et vérifiera qu’une vente à réméré est adaptée ou non. Pour Mr. Laurent Blinet, responsable de Credixis, « c’est le niveau d’endettement par rapport à la valeur du bien, appelé aussi le ratio hypothécaire (plus que le seul niveau d’endettement), qui sera déterminant pour qu’une procédure de vente à réméré soit mise en place. »
« Il m’est arrivé d’avoir des demandes de la part de clients ayant contracté plus d’une cinquantaine de crédits revolving ! Avant de lancer une procédure de vente à réméré, je m’assure que le client aura la possibilité de rembourser son crédit, grâce à ses revenus, retraite, salaire… Si ce n’est pas le cas, je n’accepte pas le dossier » explique Mr David, gérant de Paris-Réméré.
Après cette étude, la société soumet au débiteur une proposition écrite et chiffrée qui comporte la durée du réméré (de 6 mois à 5 ans maximum), le montant mensuel de l’indemnité d’occupation (loyer), le prix fixé pour l’achat du bien (généralement de 50 à 70% de la valeur expertisée).
Selon l’article 1660 du Code Civil : « la faculté de rachat ne peut être stipulée pour un terme excédant cinq années. Si elle a été stipulée pour un terme plus long, elle est réduite à ce terme. »
Toutes les conditions pour la vente et le rachat futur sont fixées à l’avance. Selon Mr. David « Le taux retenu pour calculer la marge de l’investisseur est fixé sur le taux moyen du marché monétaire (TMM). Par exemple, pour un bien acheté 100.000 euros, sur une durée de deux ans, la marge investisseur s’élèvera en moyenne à 13.000 euros, soit un taux de 6,5% ». Pour Mr. Blinet « la marge investisseur est totalement libre et dépendra aussi de la qualité du dossier et du bien ». Cette marge permet de rémunérer l’investisseur du facteur « risque ».
Si le débiteur accepte cette proposition, la recherche des fonds est engagée. Une fois l’investisseur trouvé, la procédure est formalisée par la préparation des actes notariés, puis la signature de l’acte authentique par les parties et le règlement des créances par le Notaire.
C’est à ce moment là que le contrat d’occupation des lieux, préparé par le notaire, sera signé. Le vendeur devient donc « locataire » de son bien et doit s’acquitter d’une indemnité d’occupation. Il est fréquemment retenu un montant mensuel de l’ordre d’1% du prix d’achat du bien. Quelquefois, l’investisseur demandera le paiement d’avance de tout ou partie des futures indemnités d’occupation. Cette avance sera alors prélevée sur le solde de la vente.
Avec cette vente, une somme d’argent sera, par ailleurs, conservée par le Notaire au titre de séquestre ou de dépôt de garantie, en vue de garantir le rachat et de constituer la clause pénale comme il est d’usage dans n’importe quel compromis de vente. Ce montant sera utilisé plus tard comme apport personnel pour le financement du rachat.
Exemple chiffré d’une vente à réméré qui nous a été communiqué par Maître Paulet, Notaire à Rennes, et membre de la Chambre des Notaires d’Ille & Vilaine.
Monsieur Xavier possède une maison qui constitue sa résidence principale, estimé à 150.000 €. Pour des raisons diverses, il a 50.000 € de dettes, et des difficultés à honorer ses échéances.
Dans un premier temps, il a été fiché par quelques créanciers. Puis sa banque a refusé d’augmenter son découvert et des échéances de prêts ont été impayées. Excédés, les créanciers demandent le remboursement du capital restant dû.
Scénario classique. Ne pouvant avoir droit à une restructuration de ses crédits à cause de son fichage, il ne peut rembourser ses prêts. Finalement, la justice décide la saisie immobilière de son bien. S’il laisse faire la procédure, son bien va être vendu pour une somme nettement inférieure à sa valeur réelle, voire peut-être même inférieure au capital qu’il doit rembourser. Monsieur Xavier se retrouverait alors sans bien immobilier, et toujours endetté.
Mise en place d’une vente à réméré. Après étude de son dossier, un investisseur ou une société spécialisée lui propose de lui acheter son bien (avec une décote), avec faculté de rachat. Ce bien est acheté à 92.000 €, montant sur lequel il faut ajouter 8.000 € de frais d’acte et d’emprunt, soit un montant total net de 100.000 € pour l’investisseur.
Monsieur Xavier touchera le solde de l’opération. C’est à dire le montant de la vente à 92.000 € sur lequel, il faudra déduire :
- 50.000 € pour le remboursement de ses dettes,
- 25.000 € pour constituer le dépôt de garantie qui sera utilisé plus tard pour le rachat de son bien,
- la rémunération de la société spécialisée (le cas échéant).
Le rachat du bien vendu en réméré
Lorsque la situation du vendeur est assainie, c’est à dire lorsqu’il a remboursé ses dettes et qu’il ne figure plus au fichier de la banque de France, il a alors la possibilité de contracter de nouveau un crédit pour racheter son ancien bien immobilier.
Selon l’article 1673 du Code Civil : « le vendeur qui use du pacte de rachat, doit rembourser non seulement le prix principal, mais encore les frais et loyaux coûts de la vente, les réparations nécessaires, et celles qui ont augmenté la valeur du fonds, jusqu’à concurrence de cette augmentation. »
Pour cela, il doit respecter certaines conditions. Au delà de l’apurement total des dettes, il devra souvent apporter la preuve que l’indemnité d’occupation a été payée à la bonne date et qu’aucun nouveau crédit n’a été souscrit durant cette période.
S’il n’exerce pas son droit de rachat dans les délais fixés par le contrat, le nouveau propriétaire devient le propriétaire définitif et peut donner congé au vendeur.
Suite de notre exemple chiffré.
Pour cette opération, la période de réméré a été fixée à 2 ans. Un contrat d’occupation des lieux a été établi prévoyant un loyer de 1.000 € par mois. Monsieur Xavier devient alors « simple occupant » et continue à vivre dans « sa propriété ». Les dettes sont remboursées, la saisie immobilière est arrêtée, et, les différents fichages supprimés.
Pendant ces 2 ans, Monsieur Xavier aura démontré sa capacité à respecter ses engagements. Il lui sera alors possible de contacter un établissement de crédit pour faire un prêt immobilier afin de racheter son bien.
Le prix du rachat de ce bien sera de 115.000 € (la différence entre les 100.000 € de la vente et les 115.000 € du rachat correspondant à la marge de l’investisseur).
Le montant du dépôt de garantie (25.000 €) permettra de régler les frais d’acte notarié (environ 9.000 €) pour l’acquisition et les garanties pour la banque prêteuse. Le solde servira d’apport personnel.
Le montant à financer pour le nouvel emprunt sera au maximum de 99.000 € (c’est à dire 115.000 + 9.000 – 25.000). Il trouvera une banque qui financera cette somme sur 15 ans à 5,50% avec des remboursements mensuels hors assurance de 810 €. Il pourra justifier aisément de son apport personnel car cette somme sera restée consignée chez le notaire qui aura reçu la première vente.
A l’inverse, si Monsieur Xavier ne peut pas effectuer le rachat de son bien, pour la moindre raison, à la fin du délai de réméré, l’investisseur en deviendra le propriétaire définitif et sera en droit d’expulser Monsieur Xavier. L’investisseur récupérerait, dans ce cas, le montant du dépôt de garantie.
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Pour résumer, le réméré est une solution gagnant / gagnant : un placement très rentable pour l’investisseur et un outil de désendettement très efficace pour le vendeur.